Le spectacle comme lieu de rencontre

L’imaginaire de l’adulte, l’imaginaire de l’enfant … Depuis quelques années, avec notre volonté de faire des spectacles jeune public qui soient aussi pour tous les publics, nous entendons parfois les adultes dire : « Oui, c’est très bien, mais pas sûr que les enfants aient tout compris. »

Aïe ! Notre ambition est-elle vouée à l’échec ? Et quand bien même, c’est quoi, comprendre un spectacle ? Ne devrait-on pas plutôt parler de ressenti ?

Bon, et si nous prenions le problème à bras le corps, et si …

Et déjà avec cet « Et si … », nous sommes dans le spectacle, notre jeu préféré. Reste donc à …

Trouver un terrain de jeu : le conte, bien sûr, avec ses multiples grilles de lecture ! Tiens justement, depuis des années, je voulais monter un conte russe : Le Cerf au Sabot d’Argent, où il est question d’un homme qui s’ennuie, d’une petite fille qui vient égayer ses soirées, et de leurs retrouvailles autour d’une légende, celle d’un cerf au sabot d’argent qui fait apparaître des pierres précieuses.

Trouver un prétexte à jouer : Ah oui, ça m’amuse bien d’essayer ça ! Et si on confrontait l’univers des marionnettes à celui du clown, et si on leur inventait un espace de rencontre. Je convie donc Mona, le clown de Caroline Lemignard, à nous rejoindre pour cette excursion.

Et puis surtout, pendant la fabrication du spectacle, créer un espace de jeu entre adultes et enfants pour se demander ensemble : « C’est quoi, imaginer ? ».

Tout au long de la création du Cerf au Sabot d’Argent, nous avons donc initié des rencontres entre adultes et enfants, à l’Hôpital de Jour de Caychac (à Blanquefort) et à La Fabrique, l’école de théâtre de La Réole. Nous avons improvisé des cours de récréations, où on peut s’inventer un univers avec une petite branche ou une pelote de laine, mais aussi où l’on interprète les contes et où on peut parler du sens de la vie.

Je ne sais pas si nous avons répondu aux supposés manques de compréhension des enfants. Toujours est-il que nous avons porté attention à leurs remarques, et que nous nous sommes laissés imprégner de leurs interprétations des bouts du spectacle que nous leur avons montrés.

Mais surtout, j’ai vu un bonheur absolu des adultes à retrouver le chemin de leur enfance. Celui d’un imaginaire libéré, où les objets perdent leur caractère utilitaire, et où les êtres, quel que soit leur âge, peuvent prendre leur part à un rêve partagé.

Un bonheur qui nourrit mon envie de faire des spectacles comme des invitations à se rencontrer.

François Dubois (Cie l’Aurore)